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plancher craquait faiblement sous des pieds discrets. La lenteur et la précaution de cette marche dans l’obscurité trahissaient je ne sais quelle méfiance qui étonna Henri.

Il se tint immobile, jeta son cigare dans la cheminée, et attendit dans le grand fauteuil, dont le dossier dépassait sa tête. Il crut un instant à la tentative de quelque larron. Quelqu’un ouvrit doucement derrière lui la porte de la bibliothèque et s’arrêta au seuil, quelqu’un que Henri ne put voir, mais dont la respiration précipitée trahissait l’émotion. Une voix, qu’il reconnut pour celle de Misie, dit tout bas :

« Personne ! »

On se retira, et on marcha plus vite et plus franchement vers l’appartement de M. de Turdy. Ces pas n’étaient plus ceux d’une seule personne. Henri les laissa s’éloigner un peu et sortit dans la galerie, qui était dans une obscurité complète. Il s’y tint aux écoutes. La voix de Misie disait, sans beaucoup de précautions :

« Entrez ici… Oui, c’est son boudoir. Elle est sortie. Ils sont tous dehors. »

Henri se rappela être sorti en effet du jardin pour voir monter la famille en voiture. Il avait fait quelques pas sur le chemin. On avait peut-être cru qu’il s’en allait à pied au Bourget, comme cela lui arrivait souvent. Il était rentré au manoir sans rencontrer aucun domestique. Le hasard avait fait que Misie ne le savait pas là.

Mais qui donc introduisait-elle ainsi secrètement dans l’appartement de sa maîtresse ? Henri était trop porté à tout redouter de la part de Moreali pour ne pas supposer que lui seul, par l’ascendant de son ministère, pouvait entraîner cette pauvre femme à une trahison.

Surprendre les gens sur le fait était bien facile ; mais Henri n’eût rien su ainsi de leur motif et de leurs desseins. Alors il alla écouter jusqu’à la porte de Lucie. Il y avait