Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/297

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Lucie, avertie par eux, examina minutieusement tous les objets de son appartement et n’y trouva rien qui ne fût intact et à sa place accoutumée. Elle remarqua seulement que les bougies qu’on mettait tout entières chaque soir sur sa cheminée avaient brûlé une heure environ. Elle visita tous ses papiers. Aucun ne manquait. On n’avait touché à rien. Qu’était-on venu faire chez elle ? Sous le coup d’une inquiétude d’autant plus irritante qu’il était impossible d’en préciser la cause, Lucie dormit peu. La nuit pourtant se passa sans qu’aucun bruit insolite fît aboyer les chiens et troublât le sommeil du vieux Turdy.

Le lendemain, la famille monta en voiture après dîner sans marquer aucun soupçon à Misie, qui bien évidemment était seule complice du mystérieux projet de Moreali. Henri, qui avait fait semblant de s’en aller, rentra inaperçu comme la veille, mais cette fois à dessein et grâce à de grandes précautions. D’une des fenêtres du logis neuf, il vit Misie occupée à étendre sur la terrasse du vieux château le drap blanc qui devait servir de signal à Moreali. Alors il se glissa et s’enferma dans l’appartement de M. de Turdy. Il mit le verrou sur la porte qui communiquait avec le boudoir de Lucie, après s’être assuré qu’en retirant la clef il verrait et entendrait par le trou de la serrure tout ce qui se passerait dans ce boudoir. Bientôt après, il entendit entrer Misie, qui toussa pour avertir l’abbé, puis l’abbé parla sans baisser la voix. Misie lui ayant assuré que, cette fois, personne ne pouvait les surprendre, parce que le valet de chambre était sorti et que Louise avait la migraine.

« C’est bien, dit Moreali, laissez-moi seul.

— Pourtant, M. l’abbé pourrait avoir besoin de mon aide…

— Non, vous dis-je, j’ai tout ce qu’il me faut. »