Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/308

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les mettre sous vos yeux… quand vous m’aurez écouté, non comme un ami, vous vous y refusez, mais comme un juge. Je vous accepte pour ce que vous voulez être.

— C’est mon droit, répondit Lemontier, car j’ai celui de devenir le père de Lucie, et j’en ai la volonté. Je dois et veux savoir, par conséquent, quels liens l’unissent à vous. Parlez. »

Il remit la lettre de madame La Quintinie dans le sachet, y posa son coude, fixa sur l’abbé ses yeux clairs et calmes, et le philosophe attendit la confession du prêtre.




XXIX.

RÉCIT DE L’ABBÉ.


Moreali est mon véritable nom, c’est celui de ma mère et d’un oncle maternel qui m’a adopté tout récemment. J’ignore qui fut mon père ; ma mère était Italienne, et je suis né à Rome. J’étais fort jeune quand elle m’envoya à Paris, où je fus élevé chez les jésuites sous le nom de Fervet, et où elle vint s’établir près de moi quelques années plus tard. Elle me chérissait tendrement et me donnait l’exemple des vertus chrétiennes. Elle avait bien peu d’aisance, mais elle ne négligea rien pour mon éducation. Elle passait pour ma tante, et longtemps, en lui donnant un titre plus doux, je crus n’être que son fils adoptif.

Je fis de bonnes études, mais je ne montrais aucun goût pour l’état ecclésiastique. La carrière des lettres, l’éloquence du barreau me tentaient. J’avais de l’ambition, et pourtant j’étais un croyant, mais un croyant porté à la lutte plus qu’au renoncement.

À son lit de mort, ma pauvre mère me révéla l’illé-