Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/309

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

gitimité de ma naissance, et m’apprit qu’étant enceinte de moi, elle m’avait consacré à Dieu par un vœu solennel. Depuis que j’étais au monde, elle avait tout fait pour réaliser ce vœu. Elle avait espéré que j’y souscrirais. Elle avait compté que mon sacrifice rachèterait son péché. Elle n’exigeait pas que je fusse prêtre sans vocation ; mais elle me suppliait de ne pas lui ôter l’espérance à sa dernière heure et de la laisser partir emportant la promesse que je ferais mon possible pour lui abréger les terribles expiations du purgatoire. Si un jour il se pouvait que son fils offrît le saint sacrifice de la messe à son intention, elle se flattait d’être alors réconciliée avec Dieu.

Elle mourut dans mes bras, bénie quand même et consolée autant qu’il dépendait de moi ; mais la honte de ma naissance et l’horreur de mon isolement dans la vie m’avaient porté un coup terrible. Je me vis sans appui, sans amis, sans liens, sans patrie ; errant dans la société, livré à mon inexpérience, luttant pour percer tout seul et retombant désespéré sur moi-même, j’essayai de me persuader que mon intelligence et ma volonté suffiraient ; mais j’eus peur des passions que je sentais fermenter en moi. La femme était pour moi un objet de séduction irrésistible et d’aversion craintive. J’avais des envies d’adorer et de tuer la première qui égarerait mes sens. L’épouvante me ramena chez les jésuites.

Là, je n’étais plus seul, j’appartenais à tous, il est vrai, mais tous m’appartenaient, et je pouvais, au sein de cette société puissante, conquérir par un grand mérite l’indépendance de l’initiative.

J’avoue que l’ambition mondaine fut encore mon but jusqu’au moment où je fus désigné pour recevoir les ordres sacrés. Dans ma dernière retraite préparatoire, je sentis la grâce, je reconnus mon néant, je m’humiliai et je