Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/312

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Je m’efforçai de lui prouver qu’elle ne l’aimait pas. Elle parut ébranlée, et me promit de n’y plus songer.

Un an s’écoula sans qu’elle se confessât d’aimer. Je n’avais pas coutume de questionner. Je blâme ce mode de provocation à la sincérité. Pourtant, ce silence m’étonnait, et je me fis scrupule de donner à Blanche l’absolution pascale sans être bien assuré de la validité de sa confession. Elle me répondit avec la simplicité d’un ange :

« Vous m’avez défendu d’aimer, je me suis abstenue. Je n’aime plus que Dieu et la Vierge. »

Cette soumission facile, entière, vraiment sainte, me remplit d’admiration et de tendresse pour cette jeune âme qui, dès sa première épreuve, s’élevait à l’état de perfection, celui où il n’y a plus ni lutte ni angoisse devant le sacrifice de soi-même. J’en fus si édifié, que je me sentis comme sanctifié par contre-coup. J’avais beaucoup travaillé pour assurer ma victoire sur les sens, et cette enfant, qui n’avait pas de sens à vaincre, immolait l’instinct de son cœur avec cette sublime simplicité !

Je l’aimai, je l’aimai de l’amitié la plus pure, la plus calme. C’était en moi comme un sentiment divin ! Ni ma veille ni mon sommeil n’en étaient troublés. Mes yeux ne la cherchaient dans l’église ni aux offices, ni aux sermons. Quand j’étais là, je sentais qu’elle y était, et elle y était toujours. Sa présence était un parfum dans l’atmosphère, son approche au confessionnal m’apportait une sensation de bien-être et de fraîcheur.

Un jour, à la veille d’une de ces grandes fêtes où elle avait coutume de se confesser, je me sentis inquiet, comme si un malheur non défini m’eût menacé. Elle ne vint pas. Trois mois se passèrent, et je compris alors qu’elle était beaucoup pour moi. Ma ferveur se ralentissait, l’église perdait sa poésie, ma vie se traînait comme une attente pénible. Je ne pouvais m’alarmer de ma tristesse ;