Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/319

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avait méconnu sa vocation et signé l’arrêt de son irrémédiable malheur en ce monde, en se laissant tomber dans les bras d’un homme. Elle m’apparaissait souillée, mais repentante. Elle ne m’inspirait plus d’enthousiasme, mais elle m’imposait une pitié profonde et le devoir de la consoler. Pourtant j’étais frappé d’un point mystérieux dans son récit, et je la priai en vain de s’expliquer ; elle s’y refusa. J’eus peur, je fis tous mes efforts pour qu’elle s’adressât à un autre confesseur ; elle fut inébranlable. Cette personne si faible et si douce était devenue sombre et tenace. Elle voulait être sauvée par moi, ou s’abstenir avec désespoir de toute religion, de toute croyance.

Le lendemain, j’entendis sa confession, qui me fit frémir. Je ne l’aimais plus, moi, je fus sans indulgence ; je l’humiliai, je la brisai jusqu’à lui déclarer que je ne la confesserais plus jamais. J’ai tenu parole.

Vous m’approuvez peut-être ? Eh bien, vous avez tort. Je me trompais, j’étais lâche, je n’étais pas à la hauteur de mon devoir. La confession de cette femme me troublait. Je m’étais cru un saint, je ne l’étais pas. Je craignais de commettre un sacrilége en écoutant, dans le temple du Seigneur, des aveux terribles. J’aurais dû puiser ma force dans la sainteté du sanctuaire et ramener cette âme par la patience, par la douceur, par l’impassible sourire d’une chasteté à l’abri de tout péril.

Je manquai de l’audace des saints et de la tranquillité des anges. Je sentis que je n’étais qu’un homme, et, profondément humilié de ma défaite, je repoussai durement l’infortunée en sauvant mon repos, mais en exaspérant son âme. Mon repos, ai-je dit. Hélas ! il était perdu sans retour ! J’avais aimé Blanche et je ne l’avais pas désirée ; je ne l’aimais plus, et elle portait le délire dans mes sens ! Je refusai obstinément de la revoir, et, pour échapper à