Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/320

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ses instances, à ses sommations, j’obtins dispense de confesser à l’avenir aucune femme.

Six mois se passèrent pour moi dans des austérités et dans des combats terribles. Je ne la voyais plus. Elle m’écrivait : je n’ai lu de son vivant que la première lettre ; les autres, j’en ai pris connaissance après sa mort seulement, mais je les ai gardées toutes. Elles sont là, dans ce bureau. Je sentais que je serais peut-être accusé : je ne pouvais me dessaisir des preuves flagrantes de mon innocence… mon innocence de fait, je dois ajouter ce mot, ne voulant rien vous cacher. Mon âme était coupable, si c’est être coupable que d’être aux prises avec une effroyable tentation à laquelle on ne cède point par le fait.

Un jour, le colonel La Quintinie entra chez moi.

« Monsieur, me dit-il, je ne vous aime point, car vos lettres ont failli empêcher mon mariage ; mais je vous crois sincère. Ma femme est fort malade ; elle est dans un état d’exaltation religieuse qui fait craindre pour sa raison. Elle demande un prêtre et renvoie tous ceux qui se présentent. Enfin elle s’obstine à vous voir, et son médecin croit qu’il faut tenter de lui donner cette satisfaction. Je viens vous chercher, et je compte sur votre raison, sur votre prudence, sur votre charité enfin pour calmer ce pauvre esprit qui s’égare. Madame La Quintinie est une sainte ; elle n’a rien à se reprocher, et elle se croit damnée ! Dites-lui donc ce que vous avez mission de lui dire pour la sauver de ces épouvantes. »

Je ne pouvais refuser sans donner de graves soupçons sur mon caractère, et, d’ailleurs, mon devoir était de marcher. Je suivis le colonel. Je trouvai Blanche debout, changée à faire frémir, et en proie à une crise des plus douloureuses. Elle tenait dans ses bras et couvrait de larmes et de baisers une petite créature de deux ou trois