Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/324

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le gage de son salut… Il fallut faiblir comme fait le médecin qui accorde à l’obstination du malade le péril d’un dernier essai ; je prononçai ce mot avec toutes les réserves de la plus austère chasteté. Elle fut calmée ; elle baisa mes mains qu’elle arrosa de larmes ; elle me promit de croire, d’espérer, de ne jamais plus retomber dans le blasphème.

Elle tint parole quelques jours ; mais elle m’avait arraché la promesse de revenir, et je ne voulais pas reparaître. Le mari m’envoya chercher comme un sauveur.

Que vous dirai-je, monsieur ? Ceci dura trois mois qui ont compté dans ma vie comme trois siècles, trois mois de tortures secrètes et de luttes cachées qui ont dévasté mon cœur et creusé mes tempes. Cette femme, honnête et pure entre toutes, ne mettait pourtant pas son honneur et le mien en danger. Malade comme elle l’était d’ailleurs, elle n’avait de pensées que pour la tombe ; mais son attachement pour moi s’épanchait en effusions d’une éloquence exaltée et d’un mysticisme voluptueux qui peu à peu me gagnaient comme une flamme de l’enfer. Il semblait que, se croyant perdue par moi, elle voulût me perdre à son tour en m’inoculant je ne sais quel venin de révolte contre le joug de mes devoirs. Je ne la désirais certes pas lorsque, muet et pâle auprès d’elle, je la voyais se débattre contre les approches de la folie ou de la mort ; mais, dès que je l’avais quittée, je la revoyais telle qu’elle m’était apparue à seize ans, pure comme les anges et belle comme la lumière ! Et alors je l’aimais avec une passion rétrospective infâme, cette vierge qui n’avait pas fait battre mon cœur au temps de sa splendeur réelle. Je me surprenais à regretter et à maudire cette vertu qui m’avait semblé si facile, et, par moments, enivré, égaré, idiot, je suivais dans la rue une jeune fille quelconque qui me rappelait Blanche adolescente. Je