Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/328

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manquais de zèle, et que mon vœu de ne plus confesser les femmes était incompatible, sinon avec mes devoirs, du moins avec mon influence. Je fus oublié parce que je n’étais ni dangereux ni nécessaire. Je végétai quinze ans dans l’ombre. Ces années ont été les plus douces de ma vie et les plus fécondes pour mon salut. Ne pouvant vaincre le vieil homme de vive force comme je m’en étais flatté trop vite, je l’ai laissé doucement s’éteindre dans les fatigues de l’étude. Je suis devenu savant en théologie, me réservant pour l’âge où je ne sentirais plus les passions me menacer, et cet âge est venu plus tôt que je ne l’espérais. Je dois dire que le souvenir de Blanche m’a été salutaire. Cette âme retournée au ciel ne m’apportait plus que des consolations et des promesses. Elle avait tant souffert en ce monde, qu’elle devait être pardonnée, et le mal qu’elle m’avait fait souffrir par contre-coup était une rude et salutaire leçon dont mon humilité avait fait son profit. Je pensai donc à elle peu à peu et bientôt tout à fait sans amertume et sans effroi.

Et puis notre dernière entrevue avait allumé dans mon cœur une sainte tendresse pour l’enfant qu’elle avait recommandé à mes soins. Elle avait dit vrai, la pauvre Blanche ! Lucie était ma fille spirituelle. Tout le monde autour d’elle était incrédule. Madame de Turdy était morte. Probablement on élèverait l’enfant dans l’ignorance de Dieu. Que faire pour me rapprocher d’elle ? Je ne le savais pas, mais je me tenais dans l’attente de quelque circonstance favorable, et c’est surtout pour être libre d’en profiter que je restai sans emploi et sans liens.

Je pensai souvent à reprendre mon nom véritable et à endosser l’habit séculier pour m’établir en Savoie, où personne ne me connaissait, sauf M. La Quintinie, qui, en raison de son service, était presque toujours absent ; mais