Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/345

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que Blanche a voulu établir entre sa fille et vous. Non, ce lien ne peut exister, car il est fondé sur une pensée d’adultère, et, lorsque, dans les bras de son mari, la femme a demandé à Dieu d’animer de votre souffle le fruit déposé dans son sein, elle désobéissait à Dieu, elle corrompait sa vie, elle flétrissait le véritable père de son enfant ! Vous-même, vous avez tressailli d’horreur à cette pensée, j’en suis certain, bien que vous ne l’ayez pas dit ; mais ensuite la voix de la nature en révolte a parlé : vous avez béni l’enfant, vous l’avez adopté spirituellement, vous avez juré d’être le père, le maître, le possesseur de son âme. C’était un serment impie et coupable, monsieur ; c’était, après avoir pris à l’époux la meilleure part de l’amour de sa femme, lui ravir en intention la meilleure part de l’amour de sa fille. Ah ! vous vous y entendez, apôtres persistants du quiétisme ! Vous prélevez la fleur des âmes, vous respirez le parfum du matin, et vous nous laissez l’enveloppe épuisée de ses pures arômes. Vous appelez cela le divin amour pour vous autres ! Je le comprends, ce qui en reste à l’époux et au père n’est pas toujours digne de vos regrets, et vous puisez dans la possession ainsi partagée de la femme des jouissances et des consolations qui aident merveilleusement votre courage.

« Eh bien, je vous arrêterai ici, monsieur l’abbé ; car, pour sauver Lucie, je lutterai contre vous de toutes les forces de ma volonté. Lucie, pure dans sa conscience, nette dans sa raison et forte dans sa liberté morale, ne doit pas connaître ces faux amours qui sont une bigamie bénite. Aujourd’hui, vous lui inspireriez le faux amour filial ; demain, un prêtre plus jeune et moins fort que vous peut-être tenterait à de bonnes intentions de lui inspirer l’amour conjugal spirituel. Arrière ces mensonges funestes, qui déguisent avec une science si profonde et