Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/362

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l’œil ensanglanté. Un seul homme l’écoutait : c’était Moreali, qui, prosterné dans l’ombre, voulait savourer jusqu’au bout l’amertume de son calice.

Quand l’abbé se releva, le moine était sorti à son tour ; l’église était muette, le soleil couchant semait sur les dalles les reflets irisés des vitraux. Moreali était calme. Il avait prié, pour la première fois peut-être, avec le véritable amour de Dieu. Il se sentait désormais pur de reproche et plus croyant qu’il ne l’avait été de sa vie. Il rentra chez le comte de Luiges, et il écrivit trois lettres fort courtes par lesquelles nous terminerons sa correspondance.


AU PÈRE ONORIO.

Père, je te remercie de tout le zèle que tu as consacré au salut de mon âme. Il a porté ses fruits. Je comprends aujourd’hui, grâce à toi, ce que je ne voulais pas comprendre, la vraie religion et la vraie charité. Je t’envoie de l’argent pour que tu puisses retourner à Rome et soulager tes pauvres. J’ai abandonné mon projet d’établissement en Savoie. Adieu pour toujours. Je te bénis pour ton amitié.

MOREALI.


À M. LEMONTIER PÈRE.

Je viens de congédier le père Onorio et de me séparer de lui pour jamais. Lucie avait raison, il n’y a plus de saint, il n’y a même plus de chrétien là où la haine commence. Qu’elle pardonne à un vieillard dont l’intention était bonne, mais dont l’âge et les austérités ont troublé les facultés mentales ! Qu’elle n’enveloppe pas l’Église entière dans la réprobation de son déplaisir ! Qu’elle soit