Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/364

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mademoiselle votre fille. Vous avez fait pour le maintien de vos opinions tout ce que votre dignité réclamait. J’ai aujourd’hui la certitude que cette dignité ne sera jamais méconnue et jamais compromise par le fait de MM. Lemontier père et fils. J’ai aussi la certitude des sentiments vraiment religieux de mademoiselle Lucie. Laissez-la entièrement libre de son choix dès aujourd’hui, et vous ferez acte de bon chrétien en même temps que vous rendrez heureux et reconnaissant votre très-humble et très-obéissant serviteur.

MOREALI.


Moreali s’enferma chez le comte de Luiges pour mettre ordre à ses affaires et pour s’assurer les moyens de trouver partout de l’argent dans ses voyages ; puis il se disposa à partir seul, pour réaliser son projet apostolique sous le voile du plus humble incognito.

Au moment où il fermait sa malle, M. Lemontier et son fils se présentèrent pour lui dire adieu. Il hésita un moment à les recevoir, puis il alla leur ouvrir lui-même, embrassa Émile avec tendresse, prit son père à part, et lui dit :

« C’est bien à vous de me donner cette dernière marque d’intérêt. Il est donc vrai que vous ne me haïssez pas ?

— Non, dit Lemontier, je ne vous ai jamais haï. J’ai senti en vous une belle et bonne nature qui s’égarait. Mais êtes-vous bien retrouvé ? Je crains les coups de désespoir. Pourquoi ces éternels adieux ?

— Mon ami, répondit Moreali, laissez-moi vieillir ! Je suis encore trop jeune pour ne plus aimer, et je sens que j’aime trop Lucie. Je suis certain, cette fois, de ne pas me faire d’illusion coupable, de n’aimer en elle que le souvenir de sa mère, de l’aimer comme ma fille en un mot ;