Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/43

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prême. C’est fort vilain ! c’est de l’égoïsme ! Mais vous en avez dit assez, malgré vous, pour que j’en fasse mon profit, et je crois que j’ai eu tort de faire si bon marché du peu de foi de mon grand-père. Pourtant, si j’étais ergoteuse, je vous dirais que vous me donnez raison ; car, si mon grand-père, en tolérant mes idées religieuses, a fait un pas vers la foi, je reste orthodoxe en me réconciliant avec une âme à demi-convertie. »

Elle disait cela d’un ton très-net et tout en caressant le vieillard, qui, souriant et vaincu, me regardait comme pour me demander s’il était possible de résister à ce bel apôtre.

Je résistai pourtant sans trop savoir pourquoi ; je me sentais poussé à la révolte par un instinct de loyauté. Plus on se sent épris, plus on doit offrir sérieusement son âme, et il n’y aurait rien de sérieux dans la prudence évasive. Je soutins donc mon assertion. Je ne voulus rien céder. Je déclarai que, si j’avais une doctrine de foi bien arrêtée, il me serait impossible de la modifier au gré de mes affections ou de mes sympathies.

« Savez-vous que cela est effrayant ? objecta mademoiselle La Quintinie. Vous dites : « Si j’avais une « doctrine ! » Donc, vous n’en avez pas, et avec cela vous êtes plus intolérant que ceux qui en ont une ! » Je répondis qu’une doctrine ne s’improvisait pas à mon âge, que je travaillerais de toute mon âme à m’éclairer, et que je me préparais à croire et à penser par un grand respect envers l’essence même de la foi, comme un homme qui va franchir quelque dangereux passage s’assure contre le vertige et consulte sa volonté.

Lucie me regardait attentivement, comme si elle eût étudié de sang-froid ma fermeté intérieure dans les lignes de mon visage ; puis, après un instant de silence, elle dit d’un ton très-sérieux :