Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/55

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laisser à Dieu le soin de nous associer ou de nous désunir. Je m’en remets à lui. Je n’ose pas dire : Faites comme moi, puisque vous n’êtes pas sûr que Dieu s’occupe de nos destinées… »

Je lui répondis que je n’avais jamais nié cette intervention et que j’aimais à y croire, que j’y croirais peut-être absolument un jour, quand j’oserais m’affirmer à moi-même certaines vérités qu’on ne doit pas admettre par complaisance ou par enivrement.

« C’est bien, ajouta-t-elle, et avant tout vous consulterez votre père ?

Sans aucun doute. »

Elle réfléchit un instant comme incertaine, puis elle approuva et prit mon bras pour aller rejoindre son grand-père, qui était en tête-à-tête, lui, avec madame Marsanne. Certainement ils parlaient de nous, car ils sourirent en nous voyant. Lucie alla droit à eux, et leur dit avec beaucoup d’assurance, trop d’assurance peut-être :

« Eh bien, nous ne nous détestons pas, nous nous estimons beaucoup, et nous voulons bien nous rencontrer de temps en temps ; mais n’en demandez pas davantage. Nous ne nous déciderons à l’étourdie ni l’un ni l’autre. Soyez donc discrets et patients, c’est votre affaire. »

Le grand-père fut enchanté et me pressa vivement les mains. Je causai assez longtemps avec lui. C’est un vieux raisonneur à idées étroites, mais dont le cœur généreux répare la sécheresse intellectuelle. Il a une instruction superficielle qui lui permet de prononcer sur tout sans avoir rien approfondi. Il a la prétention de croire au néant, et sa logique est si mauvaise, que Lucie a dû se faire religieuse par réaction. Ce n’en est pas moins un homme aimable et un homme excellent que M. de Turdy. Il a une grande bienveillance et la naïveté d’un vieillard dont la vie a été pure. Il se pique de comprendre les délicatesses