Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/66

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croie au culte et suive les pratiques d’une Église quelconque ?

— Tu permettras le confesseur à la tienne, toi ?

— Je lui en permettrai dix, à la condition que ces messieurs-là ne l’empêcheront pas d’être à moi corps et âme.

— Non, tu ne te soucies pas de son âme ! Tu lui laisseras l’absolue liberté de conscience, tu l’as dit !

— Conscience religieuse, entendons-nous ! Qu’elle croie à Junon Lucine ou à l’immaculée conception, ce ne sont pas là mes affaires. Pourvu qu’elle me donne des enfants qui soient de moi, qu’elle préfère mon entretien au confessionnal, je ne lui demanderai jamais compte de ses épanchements spiritualistes avec les docteurs en droit canonique.

— Eh bien, moi, je suis tout autre. Je ne sépare point l’âme du corps, et je ne supporterai pas l’amant platonique, de quelque nom qu’il s’appelle !

— Alors ne te marie pas, mon cher, ou cherche une protestante. Mademoiselle La Quintinie n’est pas ton fait. Tu as raison, il ne faut pas écrire à ton père. Oublie-la et retourne à Paris.

— Est-elle donc si obstinée que je ne puisse l’amener à mes idées ?

— Je n’en sais rien. Elle paraît fort douce de caractère ; elle a l’air de t’aimer. Élise est convaincue qu’elle t’adore. Tu peux essayer, mais tu t’engages là dans une mauvaise voie et tu rêves l’impossible ; car on ne change pas ce que la nature a fait sans le gâter, je t’en avertis. Lucie a une tendance au mysticisme ; tu pourras bien déplacer le fétiche, mais gare à l’avenir ! L’amant pourra bien remplacer le prêtre. »

Henri me parla encore longtemps sur ce ton, et il m’ébranla. Ah ! que j’aurais voulu t’avoir près de moi