Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/107

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expérience. Si un jeune homme n’aimait pas la mer et rêvait le séjour des villes, il fallait le laisser absolument libre de partir. L’amiral lui donnait une somme fixe qui lui permettait de vivre trois mois sans ouvrage, après quoi plus rien, et, s’il revenait, il était bien reçu ; mais il était tenu de restituer au profit des infirmes l’avance qui lui avait été faite.

L’amiral n’avait pas voulu donner à ses paysans le goût du luxe et du bien-être. Il n’avait rien fait bâtir, rien arrangé, rien changé dans le village.

— Je ne veux pas, disait-il, vous faire des jaloux et des ennemis de tous les villages du pays. Vous suivrez le progrès comme vous pourrez et comme vous l’entendrez. Ce que je veux, c’est vous rendre indépendants, maîtres chez vous, assez riches, si vous voulez être sobres, rangés et laborieux. — La chose vous sera facile. Je suis là pour vous soutenir en cas d’accident, réparer les désastres, remplacer les barques avalées par la tempête, vous apprendre à les mieux construire et à vous en servir plus habilement. Je suis là aussi pour faire soigner vos malades et vous aider quand le travail vous est impossible ; mais vous bâtir un café, une église, un marché, une promenade, non, ce serait de l’argent perdu. On prie Dieu dans une vieille masure tout aussi bien que dans un palais. On trinque chez soi entre amis, et on s’invite les uns les autres. C’est plus fraternel que d’aller payer chacun son écot chez des étrangers. Votre petit commerce local est un échange de gré à gré que le marché public rendrait arbitraire ou frauduleux : enfin votre promenade à vous, c’est la mer, et, s’il vous faut de temps en temps la vue des arbres et des fleurs, venez chez moi, les portes ne ferment pas.