Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/109

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le hasard pour la liberté, la curiosité pour la lumière. Elle disait aussi que le sol qu’on possède ou qu’on exploite à son profit est chose sacrée, et qu’il ne faut pas l’abandonner à des mains inhabiles ou infidèles, qu’il n’était pas nécessaire de s’agrandir pour s’enrichir, mais qu’il fallait tirer de l’instrument de travail tout ce qu’il pouvait donner. C’était le fonds inépuisable, parce que l’invention et le courage de l’homme n’avaient pas de limites.

Je trouvai qu’elle avait raison, et je ne m’étonnai pas de voir le paysan si docile à un enseignement qui répondait à ses instincts d’attachement pour le sol qui l’a vu naître et à l’orgueil que l’homme de mer porte dans sa lutte avec les éléments. J’entrevis dans le passé la figure sage et digne de l’amiral, j’oubliai ce que Montroger m’avait raconté du trouble de ses facultés aux approches de la mort. Je compris le fonds de raison et de patience qu’il avait mis de bonne heure dans l’esprit de Célie, et, loin de me sembler excentrique comme la proclamaient ses envieux, ou toquée comme la définissait bénévolement Stéphen, elle m’apparut dans toute la solidité de son jugement et la persévérance de son caractère.

Je demandai comment se passaient les audiences et à quoi elles servaient, puisque la commune était désormais parfaitement administrée et la population en paix avec elle-même.

— Vous avez raison, me répondit Célio. Ça n’est plus nécessaire, mais c’est utile pour entretenir l’honnêteté des habitudes et des manières. La demoiselle dit qu’il faut être poli, parce que la politesse est déjà la moitié de l’amitié. Il n’y a rien de plus poli qu’elle,