Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/143

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bâillait à se décrocher la mâchoire. Le séjour de l’écueil n’était pas des plus récréatifs. Sauf le petit coin où nous avions trouvé un abri, on était coupé en quatre par un vent assez aigre sur cette roche d’un demi-arpent de surface. Il n’y croissait pas un brin d’herbe, et les plantes marines, battues sur ses flancs par une vague toujours dure, étaient hachées et méconnaissables. Tout espoir de chasse y était une véritable mystification. D’autres groupes d’écueils nous cachaient la vue de la côte et même le haut de la falaise. Le tableau était lugubre et navrant.

Enfin Stéphen consentit à plier bagage, et Célio Guillaume héla Célio Barcot, qu’il supposait occupé à bouder ou à dormir à peu de distance ; mais le jeune homme ne répondit pas, et nous fîmes en vain le tour de l’écueil, d’abord sur le dos du rocher, ensuite sur la rive avec la barque ; la plus minutieuse exploration ne nous fît découvrir aucune trace de sa présence. L’inquiétude s’empara de nous. Il était impossible que le jeune homme eût gagné la terre en nageant : la distance était trop grande, la mer trop dure, et, au dire de Célio Guillaume, il n’était ni bon nageur ni bien brave dans l’eau. Il eût pu tout au plus passer de notre îlot dans un autre. Il nous fallut aller explorer tout un petit archipel avec beaucoup de peine et un peu de danger, car la marée remontait et la houle avait augmenté. Enfin, après deux heures de vaines recherches, nous prîmes le parti d’aller savoir si Célio avait sauté dans quelque barque de passage pour rentrer au port.

Célio Guillaume hochait la tête d’un air sombre. Cette station dangereuse que nous quittions n’était, disait-il, le passage d’aucune barque de promenade