Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/151

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d’une béatitude idiote. Il avait, du reste, une figure insignifiante et vulgaire qui ne permettait pas qu’on lui attribuât une initiative quelconque dans l’aventure du cours de M. Bellac. Je jugeai qu’il s’en tenait au rôle de confident, et je me promis d’examiner avec soin l’homme intrépide qui nous suivait de loin sur une autre embarcation, et qui devait être le héros de l’entreprise mystérieuse.

— Il faut tout de même, me dit Célio, que ce soient de fiers imbéciles pour s’être aventurés seuls en mer sur une coquille d’œuf ; Célio Barcot aura voulu leur servir de pilote pour les ramener à la côte. Il se sera laissé surprendre par les courants, qui l’ont jeté sur la roche où le joujou de ces messieurs s’est émietté. Voilà une belle campagne dont le gars n’aura pas sujet d’être fier !

— Nous le gronderons demain, dit mademoiselle Merquem, qui s’était levée pour venir près de nous. Aujourd’hui, la mer lui a assez dit son fait… Mais pourquoi traitez-vous ces naufragés de messieurs ?

— Parce que ce sont des bourgeois qui ont voulu jouer aux marins, répondit Célio.

— Ne disons pas de mal des bourgeois, réprit Célie en me regardant : il y en a qui ont tant de cœur, qu’ils peuvent se passer d’obéissance.

— Ah dame ! dit le père Guillaume, qui préparait l’abordage et qui me priait de lui faire place, la demoiselle vous a pardonné, et pas moins vous avez donné le mauvais exemple à son équipage en agissant sans son ordre. Nous voilà forcés de vous pardonner aussi et de reconnaître que vous êtes un gentil garçon.

Je secouai la main du vieux pilote et n’osai offrir la mienne à Célie pour aborder. Ceci me sembla être