Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/154

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selle Merquem me remplissait de rage. Stéphen me retint.

— À qui diable en avez-vous ? me dit-il. Il veut voir son camarade, il est dans son droit. Le voilà qui entre dans sa chambre, et la demoiselle est en bas. Habillez-vous, et écoutez moi.

» J’ai vu ce monsieur à Étretat. Il y a un mois. C’est un très-beau garçon, bien fait, adroit de son corps ; mais c’est une canaille dont les airs m’ont été dès le premier jour insupportables. C’est un aventurier qui se fait appeler M. le marquis de Rio-Negro, et qui paraît très-riche, car il joue un jeu d’enfer et jette l’or à pleines mains. Il se dit Brésilien ou Chilien,… je ne sais plus. Il peut être ce qu’il dit, mais ou les grands seigneurs de son endroit sont bien mal élevés, ou c’est un ancien pirate, quelque brigand de terre ou de mer qui a fait un coup pour s’enrichir. Mon opinion sur son compte était celle de tous les gens sensés à Étretat. Comme il parlait marine ex professo et ne pouvait pas dire sur quels navires et sous quel pavillon il avait servi, on le tenait généralement pour une manière de flibustier qui avait fait sa main dans les affaires des États-Unis du Sud ; mais il y a partout des imbéciles que l’impudence éblouit, et, en général, les femmes aiment ces galopins-là. M. le marquis avait donc des succès à Étretat, des succès de scandale, comme bien vous pensez. Il promenait la fleur des cocottes, la fleur… ou la lie ; mais, tout en leur jetant des billets de banque d’une main, il les rossait de l’autre, et affectait de les mépriser et de chercher des aventures plus sucrées. Il faisait de son mieux pour compromettre certaines dames de la haute, et il recevait des œillades de plus