Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/157

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lité incorrecte et un aplomb plein d’outrecuidance. Stéphen m’avait très-bien tracé son portrait. Il était beau, bien fait et déplaisant quand même au possible. Il avait l’accent vulgaire, le son de la voix âpre et métallique, le regard glacialement effronté, avec ce quelque chose d’inquiet qui semble révéler par moments le sentiment amer d’une secrète flétrissure. Son costume de paysan normand était ridicule, mais il le jugeait très-réussi, car, trempé jusqu’aux os, il n’avait pas voulu le quitter, et il se séchait, d’un air d’indifférence stoïque, au feu de fagots qui remplissait la chambre de fumée.

Je devais être admirablement travesti, car M. Bellac ne me reconnut pas, même quand un des jeunes gens qui frottaient consciencieusement le malade à tour de bras eut dit à M. de Rio-Negro en me montrant :

— Tenez ! voilà celui qui a sauvé votre camarade et vous, car sans lui vous aviez votre compte tous les deux.

Le marquis leva les yeux sur moi sans se déranger de la chaise où il était à cheval pour se chauffer le dos.

— C’est vous ? me dit-il. Ma foi, je n’ai pas fait attention à votre figure, comme bien vous pouvez croire. Il y avait du tirage là-bas ! Qu’est-ce que vous avez donc fait, mon cher ? J’ai vu mon imbécile de camarade sauvé, je n’ai pas demandé mon reste pour prendre la première corde venue. Vous me conterez ça, je loge chez Michelon. Venez me voir tantôt.

Je ne lui fis pas l’honneur de lui répondre. Je priai tout bas les fils Guillaume de ne pas lui dire mon nom, et je courus rejoindre mademoiselle Merquem, tandis que Stéphen allait donner le mot à