Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/158

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toute la maison pour que je ne fusse pas signalé comme un monsieur à ces deux étrangers. Le bon Stéphen avait compris que j’étais amoureux fou de Célie, et qu’en cas de rixe à son intention, je ne voudrais à aucun prix me poser en rival heureux.

Célie était sur la terrasse du rez-de-chaussée, là où j’avais dîné le premier jour en compagnie de Stéphen. Elle causait avec les mariniers arrêtés sur la grève. En me voyant, elle leur envoya un bonsoir collectif et rentra dans la salle qui servait de cuisine et de réfectoire.

— Le père Guillaume nous invite à dîner, dit-elle en s’adressant à Stéphen et à moi, nous ne pouvons pas refuser. Quand on revient ensemble du danger, il faut manger ensemble. La philosophie humanitaire dirait communier. Je ne déteste pas ce mot-là ; et vous ?

— Je l’adore ! repondis-je ; rien n’est trop solennel pour exprimer le bonheur de manger avec vous. Savez-vous que ce sera la première fois ?

— Ah ! c’est un reproche aux maigres ambigus de mon dimanche ?

— Ambigus d’ambroisie pour M. de Montroger, qui adore le sorbet ; mais, moi, pour être assis à la même table que vous, je mangerais des cailloux et des algues.

— Vous avez failli en manger de bien salés tantôt, mauvaise tête ! Ah çà ! comment donc êtes-vous coiffé et arrangé ? Je ne vous reconnais plus !

— C’est mon ami Stéphen, ici présent, qui a voulu mettre ma figure en harmonie avec mon costume. Les peintres, vous savez…

— Les peintres sont de braves gens, dit mademoi-