Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/167

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comme ceux à qui vous donnez des montres. On sait ce qui vous amène ici. Vous voulez parler à une personne à qui vous ne parierez point sans sa permission.

— Et sans la vôtre ?

— Sans la nôtre à tous, à moins que vous n’ayez la sienne.

— Eh bien, allez la lui demander de ma part. Je ne réclamais pas de vous autre chose. Est-ce que mille francs pour ça et pour avoir repêché mon camarade, ce n’est pas assez ?

— Je n’en sais rien. Je ne suis pas sauveteur à gages. Dans ce pays-ci, on ne fait pas ce métier-là ; il n’y a pas non plus de commissionnaires. Adressez-vous à la poste, c’est son état de porter les lettres.

Je lui tournai le dos, et je l’entendis m’apostropher grossièrement en jurant que je lui payerais ça. Je me retournai aussitôt, et, revenant droit à lui :

— Essayez ! lui dis-je.

J’avais adapté assez bien apparemment mon accent à mon costume, car il croyait avoir affaire à un marinier. Il ne reculait devant rien en fait de bataille, ou il ne me jugeait pas assez robuste pour lui résister, car il m’asséna un vigoureux coup sur la tête avec un caillou qu’il avait dans sa main fermée. Je n’en fus pas étourdi, la colère nous fait un autre sang et nous donne d’autres muscles que ceux dont nous paraissons doués. Je lui portai au visage un soufflet formidable, doublé de la même arme sauvage dont il s’était servi. Il tomba sur les galets en rugissant.

— Bien touché ! s’écrièrent Stéphen et Célio Guillaume, qui nous avaient suivis dans le crépuscule et qui assistaient au combat, les mains dans leurs