Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/184

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pas vivre sous le poids du pardon, et ne voulant pas tromper un homme d’honneur.

— Pour ne tromper personne, elle a trompé tout le monde !

— Hélas ! il le fallait bien, ou il fallait disparaître, s’enfermer, se faire religieuse, que sais-je ? Elle dit qu’elle a manqué de courage, ou qu’elle en a eu trop. Ne voulant pas renoncer à ses amis et à des relations agréables, elle ne s’est confessée de rien à personne, comptant sur son esprit et sur sa prudence pour ne pas inspirer l’amour. Jusqu’ici, sauf Montroger, qui n’en meurt pas d’étisie, elle n’avait pas souffert l’apparence d’une affection trop vive. Elle se croyait sauvée, et, après tout, pourquoi, avec une conduite désormais si sage et des qualités si essentielles, eût-elle fait le sacrifice de sa réputation et affiché un repentir qui eût fait plus de scandale que de bien dans son entourage ? Ne devait-elle pas ce silence à la mémoire et au nom de son grand-père ? Moi, en y réfléchissant, je ne la vois pas si coupable, et je ne l’en aime pas moins ; mais je comprends que l’amour ne résiste pas à de telles épreuves. Je te l’avais bien dit, celle-ci est cruelle au beau milieu de ton joli roman et de ton jeune enthousiasme ! Mon cœur saigne de te faire tomber du ciel en terre ; mais il fallait couper le mal dans la racine avant de le laisser porter ses fruits. Célie l’a compris ; elle s’est sacrifiée. Elle m’a apporté son douloureux secret, n’hésitant pas à le mettre sous la sauvegarde de ma charité et de ton honneur.

— Oui, sans doute, répondis-je, elle a bien agi, et son secret est en sûreté : vous la remercierez pour moi, ma tante ! Elle eût pu se dispenser de vous dire