Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/188

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station du chemin de fer, il voulait filer sur Rouen ; des agents de police lui ont mis la main au collet, il paraît que monsieur avait la petite faiblesse de tricher au jeu, et qu’il emportait d’Étretat un porte-feuille trop bien garni. Eh bien, ça ne vous réjouit pas ?

J’essayai de sourire, mais cette nouvelle ajoutait à ma souffrance. Plus cet homme était démasqué, plus mademoiselle Merquem était avilie. Stéphen, pensant me divertir, achevait de m’édifier sur le compte de mon infâme rival. Un de ses amis lui avait écrit de la station pour s’excuser de ne pouvoir aller le voir à la Canielle, et, dans un long post-scriptum, il lui racontait l’arrestation dont il venait d’être témoin. Il avait rencontré, l’année précédente, ledit marquis aux eaux d’Ems, d’où il avait été chassé honteusement autant pour escroquerie que pour supposition de noms et qualités. Il se faisait appeler alors le comte de Virville, et un Américain l’avait reconnu pour un forban de la pire espèce, échappé à la corde, grâce à la confusion des événements.

C’en était donc fait ! Ce drôle allait subir quelque peine infamante en France. On fouillerait toute sa vie, et le passé, et les récents événements de la Canielle. Dieu sait quelles révélations amènerait son interrogatoire et quelle publicité recevrait l’aveu impudent de ses relations avec Célie ! Saisi d’effroi et de douleur, je ne sentis plus qu’une immense pitié, dirai-je une immense tendresse pour celle que j’avais appelée la veille ma marraine bien-aimée ! Ce fut au moins une déchirante sollicitude. Toute ma colère s’évanouit, et, saisissant le bras de Stéphen :

— Mon ami, lui dis-je, est-ce qu’il n’y a pas quel-