Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/192

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moment est venu pour moi de donner ma démission d’ange et de descendre de mon piédestal. N’êtes-vous pas un de ceux qui s’en réjouiront un peu, car vous êtes un de ceux que j’ai bien complètement abusés, et, quelque généreux que vous soyez, il y aura bien au fond de votre âme un peu de ressentiment et d’ironie contre moi.

— Ai-je donc ce droit-là, moi que vous avez si courageusement désillusionné ?

— J’ai peut-être agi ainsi par crainte, en me voyant à la veille d’être démasquée.

— Ne m’ôtez pas ce dernier motif de reconnaissance. Prenez-vous plaisir à me détacher de vous sans retour ?

— Puisqu’il le faut !

— Cette exécution vous coûte peu, je le vois.

— Vous le voyez ?… Eh bien, moi, je vois à votre pâleur que vous avez mortellement souffert d’apprendre ma déchéance ; que, par conséquent, vous m’aimiez réellement, et que je ne saurais vous montrer trop de calme pour achever de vous guérir.

— Ce calme que vous avez en effet, je ne sais si je dois l’admirer ou le haïr. Vous semblez au-dessus de tous les désastres. Celui de votre situation vous préoccupe à peine, tant vous êtes préparée. Je ne vous comprends pas, Célie ! Si vous méprisez à ce point votre réputation, c’est-à-dire l’estime des autres, comment et pourquoi une si longue persévérance à vous en montrer digne ?

— Vous m’approuveriez si, après une faute de jeunesse, je m’étais jetée dans la galanterie ?… Mais, pardon, j’oublie qu’à présent vous devez me juger capable de tout, et que vous pouvez m’attribuer tous