Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/193

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les égarements : n’est-ce pas dans l’ordre ? Voyons, ne parlons plus de moi, ma cause est perdue, et je ne compte pas en appeler. Vous veniez me dire que je courais un danger et qu’il fallait le conjurer ? Je n’en vois pas le moyen. Il n’y en a pas.

— Alors, il y a des preuves contre vous, et vous le savez ?

— Apparemment.

— Qu’allez-vous faire ?

— Rien.

— Pas même m’indiquer un adoucissement à la situation, un moyen de la tourner ? Que sais-je ? Vous n’avez pas vécu dix ans avec ce secret, sans prévoir qu’il serait trahi et sans avoir formé quelque résolution. Doutez-vous de mon dévouement ou le méprisez-vous ?

— Ni l’un ni l’autre ; mais pourquoi persister dans ce dévouement que, selon vous, je ne mérite plus ? Je n’accepterai jamais que ce que je pourrai rendre, amour pour amour, honneur pour honneur,

— Vous jugez donc votre honneur perdu ?

— Il ne l’est pas à mes yeux ; mais ce que le monde appelle honneur, s’il me le reprend, vous pensez bien qu’il ne me le rendra pas.

— Expliquez-vous, Célie ; vous avez la conscience tranquille, je le vois. C’est donc que… ?

— Je ne veux rien raconter ; mais je vous ferai juge d’une situation assez vraisemblable. Une femme qui a aimé très-sincèrement est-elle plus coupable parce que l’objet de son amour en est plus indigne ? Si cet amour a été un sacrifice, un héroïsme, une bêtise sublime, cela s’est vu ! n’est-ce pas assez que le monde la condamne ? Ne lui accordez-vous pas, après ce