Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/196

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sa vie. Célie m’avait fait subir une terrible épreuve, ma tante s’y était prêtée ! J’avais bien souffert ; toutefois, j’en étais sorti vainqueur. Qu’on dise après cela que les bonnes inspirations nous égarent et nous trompent !

— Célie ! m’écriai-je, cela est bien cruel ! mais je suis si heureux à présent…

— Attendez, répondit-elle en me retirant encore ses mains ; je ne suis pas si contente de vous que vous le pensez ! Comment avez-vous pu croire à une pareille mystification ? En la proposant à madame du Blossay, je la trouvais si grossière, que j’en avais honte. Je me croyais plus estimée de mon filleul.

— Ah ! marraine bien-aimée ! m’écriai-je en tombant à ses pieds, ne faites pas de subtilités au milieu d’une pareille crise ! Je pourrais bien vous reprocher, moi, d’avoir redouté ou dédaigné mon amour au point de vouloir l’anéantir à tout prix. Vous m’avez mis la mort dans l’âme, vous avez voulu me tuer. Je n’ai pas voulu m’abandonner, moi. L’amour a été plus fort que le désespoir, et ce doit être un amour bien vrai et bien tendre, puisque votre malheur m’a fait oublier le mien. Aurais-je dû vous savoir incapable d’une folie ? Eh bien, connaissez-moi tout entier. Comme tout le monde, j’ai supposé cette folie possible. Je l’avais prévue et acceptée d’avance. C’est même dans cette supposition gratuite que je trouvais l’espoir de vous convaincre et l’orgueil de le tenter. Je me faisais un mérite d’effacer la trace de vos douleurs, ou un devoir de les partager. Eh bien, je n’ai rien à effacer, vous n’avez besoin ni de secours ni de protection. Vous voilà forte et fière, et, moi, je suis devant vous comme un coupable qui ne vous avait pas comprise.