Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/197

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Est-ce là le triomphe que vous cherchiez ? allez-vous me dire, comme autrefois à Montroger : « Vous voyez bien que vous ne m’aimiez pas ! » Ah ! dites-le, si vous l’osez ; mais vous vous mentirez à vous-même, et Dieu vous enverra le remords.

— Prenez garde, répondit-elle en se levant pour me forcer à me relever. Vous ne savez pas encore si je n’ai pas commis quelque autre faute plus grave que celle d’être ensorcelée par un chevalier d’industrie de bas étage. Qu’est-ce que vous en savez ? Voyons !

— Cela, je le sais, vous l’avez dit, vous êtes capable d’une bêtise sublime. Eh bien, celle-ci ou une autre, j’accepte tout, vous le voyez bien !

Elle était allée s’asseoir machinalement près d’une table où elle posa ses coudes en cachant sa figure dans ses mains. Je crus qu’elle se préparait à quelque douloureuse confession.

— Je ne veux rien savoir, lui dis-je. Je vous aime et je vous veux avec votre passé, quel qu’il soit.

— Et moi, reprit-elle, je ne veux pas être aimée comme une abstraction. Je veux que vous me connaissiez, car vous venez de dire un mot qui m’épouvante.

— Lequel ?

— Vous me savez, dites-vous, capable d’une bêtise sublime. Eh bien, vous vous trompez. Je suis peut-être égoïste et froide, et me voilà forcée de faire un aveu humiliant de ce que je croyais pouvoir proclamer comme un mérite : je n’ai jamais aimé, jamais un baiser d’amour n’a seulement effleuré le bout de mes cheveux. Je suis un marbre sans tache, et j’en étais fière ! Mais on n’aime pas une statue, vous ne pouvez pas m’aimer !