Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/20

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L’ensemble était massif, la décoration simple. Des arbres magnifiques, ces grands hêtres monumentaux qui sont les cèdres et les palmiers de certains cantons de la Normandie, protégeaient toute l’habitation et tout le jardin contre les rafales. Au reste, le pays environnant, gracieusement creusé en vallons à doubles et triples plissements, était bien abrité contre les vents de mer. Ces régions intermédiaires entre les grandes plaines du pays normand et les côtes de la Manche sont extrêmement agréables et souriantes. Pas de grands effets, mais partout du charme, une admirable végétation, des mouvements de terrain qui semblent ménagés pour les plaisirs de la vue et de la promenade ; les influences de la mer adoucies et comme tamisées par la beauté des arbres et le parfum des prairies ; un sentiment de repos, de bien-être et de sécurité jusqu’au pied des derniers remparts de la blanche falaise ; un sol riche, bien cultivé et meublé de fermes d’une composition très-décorative ; des chemins de sable toujours propres, avec des sinuosités convenablement mystérieuses : telle était l’oasis où ma bonne tante eût voulu finir ses jours, si sa fille eût partagé ses goûts et ses idées.

Mais combien peu elle les partageait, la jeune victime transplantée sur cette terre d’exil et de malédiction ! Dès le lendemain de mon arrivée, en me faisant les honneurs de son nouveau manoir, elle fut intarissable de reproches sur mon acquisition et de moqueries sur mon goût d’artiste. J’avais eu beau m’assurer avec un soin minutieux de la bonne qualité des matériaux et du bon état des charpentes, elle décrétait qu’au premier orage cette vieille maison rongée de mousse tomberait en poussière. Les ar-