Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/201

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aimait à conserver intactes les plantes de cette oasis. Tous les gens du pays le savaient et les respectaient. Elle me disait de les briser. — J’hésitai. N’allait-elle pas me haïr pour m’être prêté à cette profanation ? Je la regardai. Elle souriait.

— Encore ! me cria-t-elle,

Et j’arrachai une eupatoire de dix pieds de haut.

— Vous savez, lui dis-je en liant mon bouquet, que je partage votre passion pour la flore vierge, et que ce que vous me commandez là me fait l’effet d’un sacrilège ?

— Alors, répondit-elle, ce sera le premier et le dernier ; mais, aujourd’hui, j’aimerai les fleurs cueillies. Voyez ! elle n’en sont pas moins belles pour avoir été respirées. Venez, nous en ornerons le salon, qui est triste et nu. Je me suis aperçue de cela aujourd’hui.

Nous rentrâmes, et elle se fit apporter des vases que je l’aidai à remplir et à placer sur les consoles. Le vieux majordome Anseaume nous regardait faire sans manifester aucune surprise, et l’ingénuité de ses commentaires intérieurs éclata quand la besogne fut finie. Il apporta deux gros livres de botanique qu’il plaça sans rien dire sur la table du salon, persuadé que sa maîtresse voulait se livrer avec moi à l’étude, comme si j’eusse été M. Bellac.

— À présent, me dit Célie quand nous fûmes seuls, nous allons parler du passé. J’ai repris courage devant l’avenir.

— Il vous effrayait donc ?

— Beaucoup ; vous allez comprendre pourquoi.

— Je croyais savoir une grande partie de votre vie. Montroger me l’a racontée, et, s’il est sincère…