Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/235

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abîmes ne serais-je pas menacée de rouler ? Voilà que j’ai sérieusement peur. Si vous apprenez un de ces matins que je suis partie avec Bellac pour aller faire des études sur le mont Rose, ou le mont Blanc, ne vous étonnez pas trop. »


QUATRIÈME LETTRE

« Te n’ai pu arrêter le flot. Il a rompu la digue. À présent, vous savez tout, il veut adopter l’enfant, et vous l’approuvez ! Ah ! mon amie, vous ne m’avez pas aidée ! Loin de là, vous avez rendu ma résistance impossible. Elle eût été coupable envers l’enfant, hypocrite envers moi-même. J’ai accepté la grande amitié et je sais que c’est de l’amour. C’en est donc fait, l’amour triomphe ! Il est entré dans mon cœur sans que j’aie senti la moindre blessure, et, chose étrange, sans y apporter le moindre effroi… J’ai eu peur d’avoir peur, et ce fantôme s’est évanoui comme un mensonge de mon imagination. Je suis si étonnée, que je ne sais comment vous dire ce qui s’est passé en moi. Je crois que je ne m’en suis pas rendu compte. Il m’a parlé, parlé… Que m’a-t-il dit ? Je ne sais plus ! Ce n’étaient pas des formules de magie, car cela me paraissait clair comme le soleil, évident, irrécusable.

» Il m’aimait de toute son âme, cela me paraissait tout simple. Je n’étais plus craintive, je n’avais plus d’humilité, pas même de modestie pour nie défendre de croire trop vite. Et, à présent, je ne rougis pas en vous écrivant, je ne tremble pas… Si fait, je tremble et rougis beaucoup, mais cela ne ressemble point à de la honte ; au contraire, c’est une fierté qui vient tout