Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/252

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de chaleur, « râlant d’épuisement et de mélancolie, songeait à la senteur des pâturages par les matins d’automne, aux beuglements des aurochs perdus dans le brouillard, et, fermant ses paupières, il croyait apercevoir les feux des longues cabanes, couvertes de paille, trembler sur les marais, au fond des bois. »

Plus loin encore dans le passé, le Normand de l’âge de pierre ne connaissait sans doute que la hutte de branches et le toit d’ajoncs ; mieux encore, il dormait peut-être sous la charpente naturelle que la forêt étendait sur sa tête et à laquelle il accrochait et liait sa tente de peaux d’urus. On croit retrouver les vestiges de cette vie primitive dans la confiance avec laquelle les chaumières des pauvres gens de la Normandie sont mêlées et comme accolées à la haute végétation. Ailleurs, on taille, on élague, on craint qu’une maîtresse branche n’effondre le toit un jour d’orage, ou que l’humidité de l’épaisse feuillée ne pourrisse le mur. En Amérique, on brûle tout pour assainir le climat et purger la terre de sa flore naturelle ; ici, on s’incruste au végétal protecteur, ou on l’incruste sur son abri. Les murailles disparaissent sous les luxuriants espaliers, le chaume encroûté de mousse est un jardin sauvage où le vent apporte toutes les semences de la prairie, et que couronne un bouquet d’iris destiné à consolider par ses gros tubercules entre-croisés l’arête du comble ou la soudure disjointe de la cheminée.

Quelquefois, la valleuse est si profondément encaissée, que, vue du plateau, elle disparaît entièrement. Sans les cimes des grands arbres qui se dessinent comme un méandre de buissons trapus dans l’éloignement, on croirait que le ruisseau qui l’alimente a sus-