Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/253

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pendu son cours ou s’est frayé un chemin sous terre ; mais, quand on pénètre dans ces ravins où règne une chaleur humide, la vie du paysan se révèle avec tous ses accessoires pittoresques. Les vergers semés de pommes roses mûrissant sur l’herbe qui amortit leur chute, les étroites prairies où de grandes vaches rayées comme des tigres ruminent avec indolence, les clôtures touffues, les rues de verdure, le charmant désordre des pressoirs et des hangars, désordre qui n’exclut pas ici la propreté, tout cela se révèle comme un petit monde pastoral dont on s’imagine faire la découverte, tant il est resté inaperçu du dehors. Les constructions ajoutent au charme du paysage. Riches ou pauvres, elles sont toutes jolies ou poétiques. Tandis que l’habitant du Midi croit chercher le style et chérit les tons criards, celui du Nord reste dans l’harmonie de ses brumes, et semble les aider à estomper les contours. Il n’a pas le mauvais goût de barbouiller sa demeure de peintures voyantes. Il emploie les matériaux presque bruts que le sol lui fournit ; les rognons de silex que la mer roule sur ses grèves ont des brisures d’un gris satiné que rehaussent parfois heureusement des encadrements de cailloux noirs ou rougeâtres. Les reliefs des angles et des ouvertures ne sont pas un grossier trompe-l’œil à la détrempe contrariant toutes les lois de la perspective ; ce sont de bonnes assises de grès pâle, ou, dans les constructions anciennes, des pilastres de bois que rien ne dissimule. À quoi bon chercher l’éclat des tons quand la nature étincelle de verdure, de fleurs et de fruits ? La maison n’a qu’à s’effacer pour ne pas faire tache dans ce jardin splendide qui l’environne et l’embrasse. Les pampres vagabonds, les berceaux