Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/33

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— Alors, vous êtes d’avis qu’un homme ne doit pas vivre sans famille ?

— Personne ne doit vivre sans famille.

— Vous donnez pourtant le mauvais exemple !

— Moi ? Tiens, oui, c’est vrai. J’aurais dû me marier ; mais je n’y ai pas songé assez tôt, et, à présent, il est trop tard.

— Il y a donc un âge qu’il ne faut point dépasser ? Vous le faites bien court !

— Ceci est une politesse ! À propos, madame du Blossay désire beaucoup vous trouver une femme qui vous fixe auprès d’elle.

— Vous a-t-elle consultée sur ce point délicat ?

— Oui, je me suis récusée. Je n’y entendrais rien.

— Pourquoi ?

— Parce que… Je ne sais pas. Il me semble qu’il faut connaître à fond les gens qu’on veut associer — et je n’ai pas grand esprit d’observation.

— Ou vous dédaignez de vous occuper de ces détails du caractère, aussi insipides que ceux de la vie de province ?

— Je n’ai le droit de rien dédaigner. Je suis une personne nonchalante à certains égards, distraite souvent, surtout incapable de répondre aux questions directes sur son propre compte.

— Vous auriez tort de les trouver déplacées dans la bouche d’un homme qui vient ici pénétré du respect qu’il vous doit, et qui s’en ira charmé de votre étonnante modestie.

Nous causâmes ainsi quelques instants encore, et, quand nous fûmes interrompus, je restai convaincu que mademoiselle Merquem était un esprit d’une rare supériorité, par la raison qu’elle n’avait rien dit que