Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/47

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autre association à mademoiselle Merquem eût été la plus folle et la plus gratuite des injures. Allais-je donc tomber dans cet abîme d’une passion résolue à tout risquer, même le mariage ? Je me répondais que cela était impossible, que cette personne avait cinq ans de plus que moi et qu’elle était dix fois plus riche, qu’elle devait être méfiante, que le monde était méchant, enfin que, de tous les mariages dont la pensée me faisait frémir, celui-ci eût été le plus mal interprété, le plus absurde et probablement le plus désastreux.

Sur quoi donc portait ma souffrance ? Il m’eût été difficile de le dire. Mademoiselle Merquem n’avait aucune espèce de coquetterie. Si sa réelle supériorité sur tout ce qui l’entourait perçait en toutes choses, c’était à son insu et malgré elle. Il y avait des moments où elle avait l’air affligé et effrayé de l’attention surprise dans mes regards. À coup sûr, elle ne la provoquait pas volontairement, elle mettait même un soin assez habile à la détourner ou à m’en distraire.

Que vous dirai-je ? Je n’expliquerai jamais bien une chose dont l’audace et la spontanéité ne se sont jamais bien expliquées à mes propres yeux. Je subis l’entraînement insensible de cette passion, en dépit, peut-être à cause des efforts que je fis pour m’y soustraire. Je me liai à dessein avec M. de Montroger, espérant me guérir par le spectacle d’une persévérance passée chez lui à l’état d’idée fixe et de manie. J’essayai de le trouver ridicule, j’employai des heures à me moquer de lui intérieurement, et, chaque fois, je le quittai plein de remords, cruellement triste et saisi de frayeur pour moi-même.

Je n’ai jamais rencontré d’homme qui, à première