Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/50

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vous ne le découvrirez jamais, tant elle s’abstient de le montrer, mais Bellac m’a dit souvent :

» — Je n’ai plus rien à lui apprendre… À présent, nous cherchons ensemble ; ce n’est plus une élève, c’est une émule.

» Quand je la revis, elle avait de quinze à seize ans. Mon père, marin distingué, avait été l’ami du sien. L’amiral me chérissait. Il avait veillé de loin sur moi ; il me destinait la main de sa chère Célie. Moi, j’ignorais mon bonheur. Je trouvai Célie adorable, mais je ne me permis pas d’aspirer à elle. On attendit, sans rien dire, que je devinsse très-amoureux. Je le devins et n’en fis rien paraître. On le devina, et on me sut gré de ma timidité. Alors, on m’encouragea, on me donna de l’espérance, on m’apprit que mon bonheur dépendait de moi-même. Il s’agissait de plaire à Célie.

» Je devins presque fou quand ma mère me fit cette confidence. Je courus à Célie, je me jetai à ses pieds sans trouver un mot à lui dire. Il me semblait que mon trouble et mes larmes étaient plus éloquents que toutes les paroles ; maison avait négligé delà préparer et de l’avertir. À seize ans, elle était aussi ingénue sous certains rapports qu’une fillette de sept ans. Elle ne comprit rien à mon transport, elle en eut peur. L’amitié confiante qu’elle me témoignait devint tout à coup une sorte d’aversion craintive. On essaya de vaincre ce caprice, on lui parla mariage, elle tomba malade de peur et de chagrin ; on dut m’éloigner,

» Je fus si malade moi-même, qu’on me laissa ignorer ce qui se passait. Je ne l’ai su que beaucoup plus tard… si je l’ai su, car il ne me semble pas tou-