Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/58

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» Tous les amis de son enfance allèrent la saluer. Elle était guérie, et sa douleur était douce. Elle ne songeait plus qu’à habiter la Canielle et à y vivre au milieu des souvenirs de son grand-père. De vieux parents et de vieilles amies sans fortune s’y seraient bien volontiers installés auprès d’elle sous couleur de convenance et de dévouement. Elle feignit de ne pas comprendre leurs offres, s’occupa d’améliorer leur sort, mais s’obstina à demeurer seule avec Bellac, les vieux serviteurs et leurs familles qu’elle prit aussi à son service, afin d’assurer leurs invalides. Elle avait rapporté de son voyage de dix-huit mois un amour de l’indépendance dont elle ne voulut plus jamais se départir.

» Vous pensez bien que vingt prétendants se présentèrent. Elle refusa tout, disant qu’elle n’était pas décidée à se marier, et ne donnant aucune raison de sa fantaisie.

» Je ne m’occupais plus d’elle, je ne la voyais pas. Je continuais à m’étourdir assez grossièrement. Ma mère, qui avait d’abord fermé les yeux sur ce genre de vie, espérant que j’y trouverais l’oubli de ma douleur, commençait à s’en affecter vivement. Elle était presque toujours malade et réclamait mes soins d’une manière un peu impérieuse. Il y a une chose douloureuse à dire, c’est que, depuis qu’elle avait réussi à me détacher de mademoiselle Merquem, nous étions moins intimes et comme moins chers l’un à l’autre. Je croyais sentir qu’elle m’avait fait beaucoup de mal en m’ôtant mes illusions, et, de son côté, elle me reprochait avec une certaine amertume de n’avoir pas su trouver un sage milieu entre une passion sans espoir et des distractions indignes de moi.