Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/77

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contente de prendre part à sa peine en l’écoutant avec attention, je ne lui avais donné aucun conseil. C’est lui qui, devinant peut-être ce qui se passait en moi, avait voulu m’édifier sur son propre compte, afin de me communiquer son découragement. Il n’était pas rusé, mais on l’est toujours instinctivement et même de bonne foi en amour. Quant à moi, je ne voulais pas le devenir, et, pour cela, je devais éviter de me lier trop intimement avec lui. Je reconnus qu’il était un peu tard, que j’avais marché trop vite, que je l’avais laissé trop parler ; le mal était fait avant que j’eusse résolu de rien tenter contre lui. Un jour viendrait où il ne se contenterait peut-être pas de cette explication, quelque plausible quelle fût. Il s’agirait alors de nous couper la gorge. L’idée de me justifier à mes propres yeux par le sacrifice de ma vie leva mes scrupules. Plus ma résolution soulevait de conséquences graves, plus elle se légitimait dans mon esprit.

Il était venu me chercher dans sa voiture pour la soirée du dimanche à la Canielle, ma tante ayant, ce jour-là, des dames à conduire. Nous n’eûmes pas fait un quart de lieue, qu’il me demanda quelles réflexions m’avait suggérées le récit de ses amours.

— Aucune, lui répondis-je un peu brusquement ; je vois là une de ces situations qu’il faut bien attribuer à la fatalité, puisque la raison ne les explique pas.

— C’est-à-dire que vous me trouvez fou de n’être pas guéri ?

— Vous n’êtes pas fou, car vous êtes parfaitement guéri de l’amour, j’en suis certain ; mais il vous reste une cicatrice que vous avez pris l’habitude de con-