Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/87

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— Il n’y a rien à raconter, car ou ne sait rien. Les habitants de l’anse de la Canielle ont chacun une version différente. La chose certaine, c’est qu’après une nuit d’orage effroyable un très-bel enfant, sauvé, dit-on, par mademoiselle Merquem en personne, a été confié à des paysans qui l’élèvent avec des soins infinis. La châtelaine va le voir tous les jours, et elle compte, à ce qu’il paraît, le prendre chez elle, l’élever et l’adopter, en quoi elle aura grand tort et portera une grave atteinte à sa réputation immaculée.

— Comment cela ? demandai-je d’un air idiot, pour forcer madame de Malbois à mettre les points sur les i.

— Comment ! s’écria-t-elle, vous ne comprenez pas que cet enfant, péché en pleine mer, pourrait très-bien être venu par terre… du côté de la Suisse ou de l’Italie, par exemple ? Son âge correspond parfaitement à une assez longue absence faite par Célie, il y a quelque dix ans.

— Ah ! très-bien ! Alors, vous croyez… ?

— Je ne crois rien du tout, mais on le dit ! Mademoiselle Merquem ne voit que ses amis ; elle ignore qu’il y a des gens qui ne la ménagent pas. Elle se croit permis de tout risquer et de tout braver. Au lieu de la flatter et de l’abuser à cet égard-là, ses intimes devraient l’avertir, à commencer par M. de Montroger, qui, dans cette affaire mystérieuse, n’est pas bien net non plus devant l’opinion.

— Alors, plus de doutes ! répondit ma tante avec ironie en se levant comme pour reconduire madame de Malbois, qui ne songeait point à s’en aller : mademoiselle Merquem est la mère de l’enfant, M. de