Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/90

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une gaze rosée. Quand le soleil pâlit, l’aspect gris qui envahit tout n’est pas uniforme. Il a des reflets de satin qui passent du lilas clair au blanc de perle. L’horizon est souvent perdu dans le brouillard, et alors le ciel et la mer ne font qu’un. Il semble qu’on soit à l’entrée de l’infini.

Le hameau se composait d’une cinquantaine de feux rassemblés au bord de la grève, et d’une cinquantaine de maisonnettes éparses plus loin, dans les terres, en tout peut-être trois ou quatre cents habitants. Le petit havre était bon pour les barques, mais difficile à l’entrée à cause d’un semis de blocs dont quelques-uns représentaient les portiques écroulés de quelque formidable ruine. Je savais par Montroger que les guillemets venaient nicher sur certains récifs de ces plages, et à tout hasard j’avais pris un fusil qui me servait de prétexte et de contenance ; mais il était écrit que la destinée favoriserait le début de mon entreprise. Je n’avais pas fait cent pas le long du village, qu’une voix me héla par mon nom. C’était une voix rude, enrouée comme celle d’un vieux loup de mer, et pourtant c’était la voix d’un artiste de ma connaissance, Stéphen Morin, un brave garçon voué aux études de marine et habitué à passer huit mois de l’année sur une côte quelconque de France, les pieds dans la vague, le soleil sur la tête, le vent dans les cheveux. Aussi était-il hâlé comme un vrai marin, hérissé comme un oursin et calleux comme une langouste.

Il n’était pas mon ami, il n’était que celui de mon ami Andrès, qui faisait plus de cas de son caractère que de son talent, et qui lui donnait assez inutilement de bons conseils. Stéphen Morin n’était pas doué, et