Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/95

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— Dimanche, soit ; mais de bonne heure, car je passe la soirée au château voisin.

— Tiens ! dans ce donjon là-haut ? C’est donc habité ?

— Non, il y a plus bas le château de la Canielle, Vous n’avez donc pas parcouru les environs ?

— Si fait ; mais la grève, toujours la grève ou la falaise à mi-côte. Je passerais bien six mois ici sans grimper la muraille et sans pénétrer dans les terres. Le paysage, ça n’est pas ma partie, et la mer vue de trop haut, ce n’est plus ça. Ça donne des effets qu’on ne peut pas rendre et des raccourcis impossibles. C’est beau, c’est sublime, je sais, mais ça jette dans le fantastique, et il ne faut pas de ça. On y est bien assez porté quand on a affaire à cette diablesse, avec ses caprices enragés et ses illusions infernales !

Il montrait le poing à la mer, et, en même temps, il la regardait avec des yeux amoureux. Il était beau et burlesque ; je le suivis dans les rochers, et je fus content de lui voir aborder un groupe de pécheurs qui mangeaient, assis sur les récifs à marée basse. Il était déjà lié avec eux comme s’il fût né dans le village. Il leur plaisait par son air sérieux et son parler brusque. Il leur ressemblait, il avait leur sobriété, leur rudesse d’habitudes, leur apparente insouciance. Je voyais bien qu’il ne savait pas encore un mot de l’existence de Célie ou qu’il s’en souciait si peu, qu’il n’avait pas fait la moindre question sur son compte. J’espérais, grâce à lui et au dîner projeté dans le village, m’aboucher avec ces paysans que l’on disait si dévoués à leur châtelaine et arriver prudemment à les faire causer ; mais je savais le paysan méfiant, et je me gardai bien, pour commencer, de paraître cu-