Page:Sand - Malgretout.djvu/101

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porté par tous les potentats à l’envi l’un de l’autre ; mais on sait qu’il a le goût de la table et celui des belles !

— On exagère toujours, s’écria Nouville, qui ne put se défendre d’un mouvement d’indignation. Les gens qui ne peuvent mesurer un grand caractère s’appliquent à regarder la poussière qui s’attache à la semelle de ses bottines ; mais qu’est-ce que cela fait aux gens de cœur et d’esprit qu’Abel préfère le vin de Champagne à la bière, qu’il ait une femme légitime ou vingt maîtresses, si bon lui semble ! Le jour où il aimera réellement une personne digne de lui, il l’aimera avec adoration, j’en suis certain, et, si elle lui demande compte du passé, elle ne sera plus digne de cet amour-là.

— Le passé doit toujours faire redouter l’avenir, dit Adda en me regardant, et, si j’étais cette personne

— Tu ne l’es pas, répondis-je avec une vivacité qui m’emporta subitement au delà de toute prudence, et, si je la connaissais, moi, je lui dirais avec M. Nouville…

— Ne dis pas ce que tu dirais, reprit Adda d’un ton sardonique, à moins que tu ne veuilles que M. Nouville le répète à son ami ! Abel rentrait ; mon père, las de cette discussion, courut à lui et le supplia de jouer avec Nouville ce qu’ils lui avaient joué le matin.

— Pas encore, répondit Abel ; je venais vous