Page:Sand - Malgretout.djvu/103

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absolument. Vous ne pouvez pas refuser de m’entendre, il n’y a pas de raison pour cela.

— Non, lui dis-je, il n’y a pas de raison, à présent que je vous connais.

— Vous me connaissez ? Nouville vous aura parlé de moi ? Il m’aime beaucoup, il exagère mes mérites. Je n’ai qu’une qualité exceptionnelle, la sincérité. Pour être sincère avec les autres, il faut surtout l’être avec soi-même, et c’est à quoi je m’attache avec ardeur, sachant qu’il est beaucoup plus difficile de voir ses défauts que ceux des autres. Eh bien, tenez, depuis hier, je me suis examiné tant que j’ai pu. Je n’ai pas eu beaucoup de temps pour cela, me direz-vous ; je n’ai été seul que la nuit, et j’ai dormi comme une pierre ! C’est vrai ; mais j’ai causé avec Nouville avant de venir ici, et tout à l’heure, en me promenant seul dans cette allée, j’ai voulu, j’ai réussi à me rendre compte de ce que je suis, de ce que je veux, de ce que j’éprouve. J’aime ! Oui, miss Owen, je vous aime. J’aime de cette façon, qui, je crois, est la seule vraie, la seule durable, pour la première fois de ma vie. Avant de vous connaître, je vous aimais d’une amitié sainte. Elle est plus sainte encore depuis quelle s’appelle amour dans ma pensée ; seulement, elle est plus inquiète, plus ardente, et, si vous n’y deviez jamais répondre, je souffrirais quelque chose de nouveau pour moi, quelque chose qui me fait une peur atroce, l’absence d’espoir. J’ai toujours