Page:Sand - Malgretout.djvu/117

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Nous étions à la limite du parc, il franchit lestement la haie de clôture et disparut dans la direction de Revins.

Nouville, en me trouvant seule, ne montra aucune surprise.

— Il est parti ? me dit-il. Est-ce qu’il souffre beaucoup de la migraine ?

— Comment savez-vous qu’il a la migraine ? lui dis-je.

— Ah ! c’est qu’il m’avait annoncé qu’il l’aurait probablement. Voulez-vous accepter mon bras, miss Owen ? Nous parlerons de lui. Vous l’aimez, n’est-ce pas ? Vous n’osez pas l’avouer ? J’espère que vous avez eu plus de courage avec lui et qu’il n’est pas parti désespéré ?

Ma pruderie anglaise, dissipée par le charme du premier amour, essaya de reprendre le dessus. Ce confident improvisé, au sortir d’une scène qui m’avait donné le vertige, me forçait trop vite à rentrer en moi-même.

— Si je l’aimais déjà, répondis-je, m’approuveriez-vous de le lui avoir dit si vite ?

— Oui, dit-il sans hésiter. Je vous estimerais encore plus que je ne vous estime déjà.

Et il me parla encore de son ami avec enthousiasme. Il n’était plus gêné et interrompu par le persiflage de ma sœur. Il me raconta d’Abel de véritables traits d’héroïsme ; mais, en louant son courage, sa fierté, son désintéressement, il en revenait