Page:Sand - Malgretout.djvu/12

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mais nous avons vu la montagne qui porte ce nom audacieux, devise de quelque chevalier oublié du moyen âge. Je remercierai l’érudit qui rétablira la légende. Nous nous en sommes passés en explorant ces gorges sauvages des Ardennes et ces délicieuses oasis de la Meuse. Tu me les avais découvertes, cher enfant, je t’en remercie.

J’ai saisi avec plaisir, pour te dédier mon petit travail, ce jour de Noël, anniversaire de ton naufrage aux îles du Cap-Vert. Quand, il y a dix-neuf ans à pareil jour, tu sombrais avec le Rubens, et qu’attaché à la tâche suprême de tenir le gouvernail pour empêcher le navire de pirouetter, tu voyais se remplir, grâce à toi, les barques de Sauvetage condamnées peut-être à s’éloigner sans toi, tu envoyas, m’as-tu dit, un adieu désespéré à ta mère et à moi. Tu fus pourtant miraculeusement sauvé : une barque put te prendre au niveau de la dunette déjà inondée et n’être pas entraînée dans le gouffre que creusait le navire en s’abîmant. — Depuis, tu as connu des situations non moins dramatiques et plus poignantes encore par leur durée ; après cette vie terrible, voilà que tu viens faire réveillon avec nous, à la même heure où tu touchas l’écueil. Quel contraste î Une famille sédentaire rassemblée la nuit dans une vieille maison, au milieu des plaines couvertes de neige, le silence solennel du dehors, le feu qui pétille au dedans pour accompagner les rires des enfants, jeunes oiseaux qui n’ont