Page:Sand - Malgretout.djvu/136

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— Moi ? je songeais, non plus à elle, mais à nos deux artistes. Il faut absolument que nous les ayons encore à dîner, cher papa ! Écrivez-leur donc qu’ils s’arrêtent ici en allant à Bruxelles. À présent, leur musique m’amusera énormément, je vous jure.

Mon père répondit qu’ils avaient promis de revenir et qu’il craindrait d’être indiscret en paraissant l’exiger. Adda se récria, insista et, ne pouvant le décider, déclara qu’elle écrirait elle-même. Mon père haussa les épaules, pensant qu’elle ne songeait nullement à le faire. Elle le fit en mon nom et au nom de notre père ; elle écrivit à Abel que nous l’attendions avec son ami pour dîner le lendemain chez nous. Elle fit partir sa lettre, et nous l’annonça quand il n’était plus temps de l’empêcher. Mon père ne lui en fit pas reproche. Il était disposé, à l’indulgence quand il songeait aux malheurs suspendus sur la tête de sa pauvre enfant, et il ne voyait dans son empressement à lui ramener les deux virtuoses que le désir de réparer ses torts et de lui être agréable ; mais, moi, j’y voyais un caprice étrange, et j’appréhendais quelque piége.

Le lendemain, bien qu’elle n’eût pas de réponse, elle s’occupa toute la matinée de préparer une ravissante toilette, et, vers cinq heures, elle m’entraîna au jardin, certaine, disait-elle, que nos invités allaient paraître.

En effet, une voiture de louage approchait rapidement par le chemin qui côtoie la rivière, et cette