Page:Sand - Malgretout.djvu/20

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Quand j’eus réussi à la calmer en lui déclarant que M. de Rémonville ne me plaisait pas et que j’avais la ferme intention de le refuser, elle reprit :

— Soit pour celui-ci, je veux te croire, bien que tu aies tenu un autre langage à papa ; mais il est certain qu’au premier jour tu rencontreras le maudit fiancé de tes rêves, et que tu ne m’aimeras plus. Tu as tant excusé les oublis et l’indifférence de Mary, que j’ai bien vu poindre ton désir de faire comme elle ; ne me le cache pas, c’est inutile, je sens ce désir-là dans toutes tes paroles et encore plus dans ton silence.

J’avais alors dix-neuf ans accomplis, et j’aurais menti, si j’avais juré que, depuis un certain temps, depuis votre mariage surtout, je n’avais pas rêvé le mariage pour moi-même. Quand vous m’écriviez les joies de votre première maternité et les douces espérances de votre seconde grossesse, j’avais toujours senti battre mon cœur à l’idée de tenir aussi dans mes bras un cher baby, vivante image d’un époux chéri et respecté. Je ne m’arrêtais pas à la vaine fantaisie de composer ce type d’époux à ma guise. Je ne croyais pas voir ses traits, entendre le son de sa voix. Il ne m’apparaissait pas comme une personne, mais je le portais dans mon âme comme une vérité sainte. Je me rappelais la tendresse de mon père pour notre pauvre mère, morte dans ses bras après tant de soins, tant de dévouements délicats et infatigables, tant de consolations et d’en-