Page:Sand - Malgretout.djvu/203

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Il fallait donc savoir pardonner ses défauts et l’aimer tel qu’il était, pour lui-même et non plus pour moi, aspirer à le rendre sage pour qu’il fût heureux et non pour me donner la joie égoïste de ce triomphe. Je sentis qu’en envisageant ma situation sous ce point de vue je me calmais, parce que je rentrais dans ma nature, dans mon idéal et dans l’habitude de ma vie. C’est ainsi que je triomphai des souffrances qui m’avaient torturée. J’écrivis à Nouville la situation de mon âme, et j’attendis dès lors avec patience le retour de ma famille ; je n’étais plus en guerre avec moi-même.

Un jour, je vis entrer dans le parc une amazone charmante, admirablement montée, suivie d’un seul domestique ; j’étais au salon, elle m’envoya une carte qui portait ces mots écrits au crayon :

« Mademoiselle Carmen d’Ortosa, qui apporte à miss Sarah Owen des nouvelles de sa famille. »

J’hésitai un instant : la moralité de cette belle personne était, je vous l’ai dit déjà, très-controversée ; mais elle se réclamait de mon père et de ma sœur, pouvais-je la renvoyer ? D’ailleurs, avais-je raison d’être si farouche et de ne vouloir me trouver avec aucune femme légère, quand l’avenir m’appelait peut-être à changer toutes mes habitudes et à modifier toutes mes notions ?

Je fis bon accueil à mademoiselle d’Ortosa. Elle avait l’aisance et l’aplomb d’une femme du grand monde ; elle m’apprit qu’elle arrivait de Nice, où