Page:Sand - Malgretout.djvu/222

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théâtre sans appartenir au jugement des foules, à plus forte raison d’être une étoile sur la scène du monde sans être critiqué et même calomnié, très-innocemment parfois, par les masses. Comment en serait-il autrement ? Les masses ont besoin de haïr ou d’adorer. Elles sifflent et applaudissent, elles portent en triomphe ou traînent dans le ruisseau. Elles veulent tout juger, et ne savent rien ; elles ont des fétiches nouveaux tous les matins. Pourquoi échapperais-je à ces engouements et à ces colères que les plus hauts personnages de l’histoire ont dû subir ? Plus on monte, plus on brille. Plus on brille, plus on offusque ceux qui ne voient pas bien, et le nombre ne peut jamais bien voir. Donc, j’ai une mauvaise réputation, parce que j’ai une réputation, et, comme j’ai voulu l’avoir, il faut bien que je l’accepte mauvaise.

» Au commencement, je me suis affectée pourtant de la calomnie. Je ne m’y attendais pas, je l’avoue. J’acceptais tous les hommages avec la certitude que ma coquetterie de cœur me ferait des amis dès que l’on verrait qu’il n’y avait pas chez moi de coquetterie de femme. J’avais compté sans les passions que j’ai inspirées, et qui ont été beaucoup plus ardentes et plus tenaces que je ne le croyais possible. Je ne savais pas que la vanité de posséder la personne est beaucoup plus âpre que celle de posséder son estime et sa confiance. J’ai trouvé des hommes de cœur et d’esprit qui m’ont su gré de